Introduction

Une fois j'ai reçu ce message d'une enseignante du bouddhisme zen rinzaï. Elle me parlait d'elle. À force de le lire, il est affiché bien en vue dans un endroit de la maison, je l'ai fait mien. Dans ce blog je vais raconter des histoires qui montrent cette rencontre du bouddhisme avec les gens que je fréquente dans mon travail et dans ma vie quotidienne. Quand on pratique le zen, pour comprendre, on se sert souvent de petites histoires des temps anciens, qui se passent en Chine ou au Japon. Dans cet espace, je me propose d'écrire des anecdotes très actuelles, vécues par un bouddhiste zen engagé dans la vie quotidienne.

Mon crâne rasé expose l’ossature du visage et ma fragilité
dans cette mise à nu.
Pourtant peu savent lire
ce livre ouvert de ma chair,
moins encore suivre les signes de ma Route,
toute en conduite solitaire, toute en communion
avec d’autres tracés.


Rei Myò Sensei
Août 1997

dimanche 6 juin 2010

Se laver les dents

Quand la classe reprend à 13 heures, après le repas de midi, je me lave les dents au lavabo dans l’atelier. En allant vers le lavabo, tenant ostensiblement ma brosse à dents je dis aux élèves “après le repas, on doit se laver les dents”. Je ne les surveille pas à ce sujet, mais petit à petit certains se sont mis à le faire aussi. Il y en a un qui un jour m’a demandé si je pouvais lui prêter du dentifrice. Ceci fait, je l’ai suivi vers le lavabo en bavardant un peu, puis j’ai vu qu’il se lavait les dents en laissant couler l’eau en continu. Je lui ai dit que c’était mieux de mettre de l’eau dans un gobelet. Je lui ai parlé de l’eau qui est rare, des personnes qui font des kilomètres pour en chercher. Il s’est un peu révolté, et m’a dit, répondant à mes exemples “mais de toute façon ce n’est pas parce que j’utiliserai moins d’eau que ça changera quelque chose pour cette femme qui fait des kilomètres chaque jour pour chercher de l’eau”. Il m’a dit encore “ma mère me répète depuis toujours de finir mon assiette car des enfants dans le monde n’ont rien à manger”, “cette culpabilisation me bousille la vie”.
Je lui ai dit que j’étais tout à fait d’accord, que d’utiliser un gobelet ne soulagerait en rien les femmes africaines dans leur corvée d’eau, pas plus que de finir son assiette ne donnerait à manger aux enfants mal nourris. Je lui ai dit ensuite que de laisser couler le robinet et gaspiller de la nourriture nous éloignait de ces gens qui ont soif et faim, et que par voie de conséquences nous étions amenés à vivre sur une planète que nous nous construisions dans la tête, confortable pour nous, mais très loin de la planète réelle, et que ça ne pouvait pas marcher. Par contre économiser l’eau et finir son assiette nous rapproche de ces personnes. Sans soulager leur souffrance nous devenons ainsi attentif à ce qui les fait souffrir, nous sommes ainsi sur la même planète qu’eux, et ça marche, nous vivons dans le monde réel.
Je n’ai pas voulu prononcer le mot compassion ni le mot spiritualité.
Voilà, après cette petite scène de la vie quotidienne, je n’ai plus qu’à vous saluer et vous dire à bientôt.

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