Introduction

Une fois j'ai reçu ce message d'une enseignante du bouddhisme zen rinzaï. Elle me parlait d'elle. À force de le lire, il est affiché bien en vue dans un endroit de la maison, je l'ai fait mien. Dans ce blog je vais raconter des histoires qui montrent cette rencontre du bouddhisme avec les gens que je fréquente dans mon travail et dans ma vie quotidienne. Quand on pratique le zen, pour comprendre, on se sert souvent de petites histoires des temps anciens, qui se passent en Chine ou au Japon. Dans cet espace, je me propose d'écrire des anecdotes très actuelles, vécues par un bouddhiste zen engagé dans la vie quotidienne.

Mon crâne rasé expose l’ossature du visage et ma fragilité
dans cette mise à nu.
Pourtant peu savent lire
ce livre ouvert de ma chair,
moins encore suivre les signes de ma Route,
toute en conduite solitaire, toute en communion
avec d’autres tracés.


Rei Myò Sensei
Août 1997

mercredi 4 août 2010

Merci et merci

Vers le 10 juin, j'ai commencé la classe en parlant du mot merci aux élèves qui sont arrivés en premier.  Je leur ai dit : "vous avez remarqué que quand on rend un grand service à quelqu'un, un service du genre de celui qui nous donne une journée de travail, en retour, cette personne vous fait dire merci". "Et avez-vous remarqué que quand on donne quarante centimes de monnaie à quelqu'un pour qu'il ait de quoi se prendre un café au distributeur, en retour, on obtient le même merci". Le même mot pour deux choses complètement disproportionnées.
Vous allez voir qu'il n'est pas ici question de jugement, il n'y a pas une bonne façon d'utiliser merci et il n'y a pas une mauvaise façon d'utiliser merci, mais il y a des mercis qui marchent et des mercis qui ne marchent pas.
Vous avez compris le merci qui me choque c'est le merci reçu en paiement de la journée de lundi passée à imprimer les 100 tee-shirts. Ce merci-là ne marche pas. Je ne veux pas dire que cette personne aurait dû me contacter directement plutôt que de me faire dire merci par un intermédiaire. Je n'attendais pas non plus un grand merci ou merci beaucoup ou encore merci infiniment. Non, ce n'est pas ça.
Bien sûr au départ j'étais d'accord pour faire ce travail sans le faire payer. Là n'est pas la question. À l'issue de ce travail, je n'attendais pas de salaire, sous aucune forme que ce soit, surtout pas sous la forme du mot merci.
Ce mot merci, je le reçois comme un quitus que m'impose cette personne. Rappelez-vous ce que nous avons dit l'autre jour à propos du donner et recevoir. Nous avons là l'exemple d'un tout petit acte, égoïste et limité. Cette personne me fait dire merci comme si elle m'envoyait un chèque, un moyen pour elle de ne plus se sentir redevable et de continuer sa danse égoïste.
L'acte juste aurait été de ne rien dire, pour que notre travail de lundi s'insère dans quelque chose de beaucoup plus vaste. Ou alors, si cette personne voulait vraiment faire quelque chose, il fallait qu'elle vienne ou qu'elle nous écrive pour se présenter et nous présenter son projet, ce qui aurait placé notre travail dans une chaîne généreuse, et pas dans une suite d'événements mercantiles ou l'on profite de nous.
Je pense qu'il y a des demandes qui ne sont pas justes, et celle-là en fait partie. Quelqu'un qui a plein d'argent dans sa poche et qui me demande quarante centimes pour un café ne fait pas une demande juste.
Merci n'est pas un paiement, pas une récompense, c'est une attitude, une disposition qui vient du cœur.