Introduction

Une fois j'ai reçu ce message d'une enseignante du bouddhisme zen rinzaï. Elle me parlait d'elle. À force de le lire, il est affiché bien en vue dans un endroit de la maison, je l'ai fait mien. Dans ce blog je vais raconter des histoires qui montrent cette rencontre du bouddhisme avec les gens que je fréquente dans mon travail et dans ma vie quotidienne. Quand on pratique le zen, pour comprendre, on se sert souvent de petites histoires des temps anciens, qui se passent en Chine ou au Japon. Dans cet espace, je me propose d'écrire des anecdotes très actuelles, vécues par un bouddhiste zen engagé dans la vie quotidienne.

Mon crâne rasé expose l’ossature du visage et ma fragilité
dans cette mise à nu.
Pourtant peu savent lire
ce livre ouvert de ma chair,
moins encore suivre les signes de ma Route,
toute en conduite solitaire, toute en communion
avec d’autres tracés.


Rei Myò Sensei
Août 1997

dimanche 20 juin 2010

La main gauche et la main droite

J'écoute tout ce qu'elle à dire, elle est sûre qu'elle est la victime et que l'autre est le bourreau. Elle pense que je vois les choses de cette manière. Elle attend sans doute que j'apporte d'autres exemples pour attester que nous avons un bourreau dans notre école, mal dans sa peau et dans sa vie.
Comme ce n'est pas la première fois, elle n'est pas trop étonnée quand je prends enfin la parole sans aller dans son sens, un peu comme si elle attendait malgré tout autre chose de ma part, sans savoir trop quoi, mais en ayant l'intention d'écouter et de se laisser surprendre. 
Je lui dis que ce n'est pas si simple, à quoi bon entretenir une haine ? Cela ne marche pas.
Encore une fois je lui ai expliqué comment je voyais les choses, je devrai dire comment sont les choses en réalité. Mais je ne dis jamais ça car ensuite ce sont des discussions interminables sur ce qui est et sur les points de vue que chacun peuvent avoir. Je dis simplement, à mon avis, une école c'est comme un corps humain, chaque partie a besoin de l'autre pour exister, la tête fait fonctionner les bras et les jambes, puis les yeux et les oreilles apportent des informations à la tête. Comme je voyais qu'elle ne comprenait pas et qu'un bon exemple vaut mieux qu'un long discours, je lui ai montré mes deux mains. Avec le pouce et l'index de ma main gauche, j'ai pincé ma main droite. Je lui ai dit, ma main droite a mal maintenant, mais est-ce que tu crois qu'elle en veut à ma main gauche, est-ce que tu penses qu'elle se dit que la main gauche est méchante et qu'elle a des problèmes avec son mari ?

dimanche 13 juin 2010

Donner et recevoir

Aujourd’hui l’occasion m'a été donné de faire quelques commentaires sur le don. À mon sens, la pratique du don est la clé du problème, c’est-à-dire la solution aux préoccupations que nous avons coutume d’évoquer, à savoir comment vivre, bien vivre ensemble dans cette classe, vivre dans un monde plus vaste qui nous permette de nous retrouver en harmonie avec toutes les personnes qui croisent notre chemin. En deux mots : comment réussir.
Si on y regarde d’un peu plus près, tout au long de la journée nous sommes en train de recevoir. Nous recevons des informations, des conseils, nous découvrons des choses à travers d’autres, et à l’inverse nous donnons tout au long du jour.
Quand on reçoit quelque chose que nous percevons comme ayant une réelle importance pour nous, un service rendu ou un prêt d'argent par exemple, le réflexe le premier est de donner en retour à celui qui nous donne, dans notre esprit, on remercie. Cela ne marche pas. La pratique qui va agrandir notre champ de vision n’est pas celle là. Il faut que nous donnions sans savoir à qui nous donnons et pourquoi nous donnons. Savoir cela n’a aucune importance. Bien au contraire, si nous nous contentons de donner à celui qui nous a donné, nous créons une situation à deux, une toute petite situation qui a pour rayonnement la limite immédiate de notre égocentrisme. Par contre un don sans but, sans intentions, agrandi considérablement notre influence, et rayonne à l’infini.
Si j’avais à faire un croquis pour signifier  cette différence, je ferais pour le premier cas de figure un gribouillage sur une feuille, qui aurait pour amplitude que le mouvement de mon poignet, et pour le don plus large je ferais un trait avec des volutes qui sortirait très vite de l’espace blanc du papier, qui continuerait sur la table, les murs de la classe, puis le couloir, les murs extérieurs. Je laisse votre imagination, que je sais grande pour continuer ce cheminement du don. On doit remercier la personne qui nous donne en donnant à son tour à d’autres.

dimanche 6 juin 2010

Se laver les dents

Quand la classe reprend à 13 heures, après le repas de midi, je me lave les dents au lavabo dans l’atelier. En allant vers le lavabo, tenant ostensiblement ma brosse à dents je dis aux élèves “après le repas, on doit se laver les dents”. Je ne les surveille pas à ce sujet, mais petit à petit certains se sont mis à le faire aussi. Il y en a un qui un jour m’a demandé si je pouvais lui prêter du dentifrice. Ceci fait, je l’ai suivi vers le lavabo en bavardant un peu, puis j’ai vu qu’il se lavait les dents en laissant couler l’eau en continu. Je lui ai dit que c’était mieux de mettre de l’eau dans un gobelet. Je lui ai parlé de l’eau qui est rare, des personnes qui font des kilomètres pour en chercher. Il s’est un peu révolté, et m’a dit, répondant à mes exemples “mais de toute façon ce n’est pas parce que j’utiliserai moins d’eau que ça changera quelque chose pour cette femme qui fait des kilomètres chaque jour pour chercher de l’eau”. Il m’a dit encore “ma mère me répète depuis toujours de finir mon assiette car des enfants dans le monde n’ont rien à manger”, “cette culpabilisation me bousille la vie”.
Je lui ai dit que j’étais tout à fait d’accord, que d’utiliser un gobelet ne soulagerait en rien les femmes africaines dans leur corvée d’eau, pas plus que de finir son assiette ne donnerait à manger aux enfants mal nourris. Je lui ai dit ensuite que de laisser couler le robinet et gaspiller de la nourriture nous éloignait de ces gens qui ont soif et faim, et que par voie de conséquences nous étions amenés à vivre sur une planète que nous nous construisions dans la tête, confortable pour nous, mais très loin de la planète réelle, et que ça ne pouvait pas marcher. Par contre économiser l’eau et finir son assiette nous rapproche de ces personnes. Sans soulager leur souffrance nous devenons ainsi attentif à ce qui les fait souffrir, nous sommes ainsi sur la même planète qu’eux, et ça marche, nous vivons dans le monde réel.
Je n’ai pas voulu prononcer le mot compassion ni le mot spiritualité.
Voilà, après cette petite scène de la vie quotidienne, je n’ai plus qu’à vous saluer et vous dire à bientôt.

samedi 5 juin 2010

Introduction

Une fois j'ai reçu ce message d'une enseignante du bouddhisme zen rinzaï. Elle me parlait d'elle. À force de le lire, il est affiché bien en vue dans un endroit de la maison, je l'ai fait mien. Dans ce blog je vais raconter des histoires qui montrent cette rencontre du bouddhisme avec les gens que je fréquente dans mon travail et dans ma vie quotidienne. Quand on pratique le zen, pour comprendre, on se sert souvent de petites histoires des temps anciens, qui se passent en Chine ou au Japon. Dans cet espace, je me propose d'écrire des anecdotes très actuelles, vécues par un bouddhiste zen engagé dans la vie quotidienne.

Mon crâne rasé expose l’ossature du visage et ma fragilité
dans cette mise à nu.
Pourtant peu savent lire
ce livre ouvert de ma chair,
moins encore suivre les signes de ma Route,
toute en conduite solitaire, toute en communion
avec d’autres tracés.


Rei Myò Sensei
Août 1997