Introduction

Une fois j'ai reçu ce message d'une enseignante du bouddhisme zen rinzaï. Elle me parlait d'elle. À force de le lire, il est affiché bien en vue dans un endroit de la maison, je l'ai fait mien. Dans ce blog je vais raconter des histoires qui montrent cette rencontre du bouddhisme avec les gens que je fréquente dans mon travail et dans ma vie quotidienne. Quand on pratique le zen, pour comprendre, on se sert souvent de petites histoires des temps anciens, qui se passent en Chine ou au Japon. Dans cet espace, je me propose d'écrire des anecdotes très actuelles, vécues par un bouddhiste zen engagé dans la vie quotidienne.

Mon crâne rasé expose l’ossature du visage et ma fragilité
dans cette mise à nu.
Pourtant peu savent lire
ce livre ouvert de ma chair,
moins encore suivre les signes de ma Route,
toute en conduite solitaire, toute en communion
avec d’autres tracés.


Rei Myò Sensei
Août 1997

lundi 24 octobre 2011

La réincarnation

Parfois ils me posent des questions, je tiens toujours à répondre après le cours, pas pendant.
Cette fois c'était "Monsieur, croyez-vous à la réincarnation ?" Une question que je me pose parfois moi-même. Cette fois encore la réponse "oui" ne marche pas, pas plus que la réponse "non" ne marche d'ailleurs. Je sais pourtant la réponse, mais elle est sans mot, elle est faite d'expérience, de compréhension directe, sans concept ni mot pour expliquer.
J'ai essayé de leur répondre tout de même, parce que  sans mot, sans "oui", sans "non", sans croquis au tableau, les élèves ne comprennent pas.
Je leur ai d'abord demandé qu'est-ce qui doit être réincarné ? Votre corps ? Votre esprit ? Ils sont tombés d'accord pour dire que leur esprit suffisait, peu importe si le corps était différent. L'idée était de revenir en se souvenant que l'on avait déjà été. Je leur ai fait la remarque que s'ils revenaient dans un corps de mouche en se souvenant qu'ils avaient été élèves de mon cours de sérigraphie et de tout le reste, cela ne serait pas très rigolo.
Je leur ai ensuite demandé : qu'est-ce que "l'on est" en fait ? De quoi est-on fait ? Je leur ai montré la pomme que je me réservais pour midi et je leur ai dit : vous êtes d'accord, il y a la pomme et il y a vous. Ce sont deux choses distinctes. Maintenant imaginons que vous mangiez cette pomme, à quel moment la pomme cessera d'être pomme et deviendra vous ? Imaginez la pomme en morceau en vous, écrasée, se mélangeant en vous avec d'autres choses, les molécules de pommes allant un peu partout dans votre corps, à quel moment la pomme n'est plus pomme et à quel moment elle est vous. Imaginez ce que vous avez mangé avant, imaginez l'air qui entre en vous, imaginez l'eau qui vous constitue, imaginez les bactéries et les champignons qui vivent en symbiose avec vous. Après tout ça que reste t-il de vous ? Quelqu'un a répondu, "il reste l'âme" et " je sais qui je suis".
Donc il reste de nous une "idée". Une idée qui dit "je suis une idée qui comprend que je suis au centre de l'interaction d'une multitude de choses elles-mêmes en interaction avec d'autres choses, et ainsi de suite".
Je leur ai dit ensuite nous ne venons pas au monde à partir de rien. Nous sommes la conséquence de la rencontre de deux personnes. Ces deux personnes, nos parents, sont eux aussi chacun issus de la rencontre de deux personnes, et ainsi de suite. Toutes ces personnes ont  posé des actes durant leur vie, qui ont eu des conséquences. Nous sommes nous mêmes toutes les conséquences de ces actes passés.
Quand je "pense" à la réincarnation, j'ai tout cela en mémoire. "C'est oui" ça ne marche pas, "c'est non" ça ne marche pas, "c'est" tout simplement, ça marche. Si vous pensez à cela avec des théories, des phrases, des mots, des polémiques, des preuves, jamais rien ne sera clair, chaque fois ce sera une impasse. Si vous faites zazen, parfois vous verrez que tout s'éclaire. Alors, tout ce que je viens de décrire est là, avec une présence bien dérangeante quand on doit tenter de l'expliquer.

samedi 16 avril 2011

Ça marche, ça ne marche pas.

Ça marche, ça ne marche pas. Il y a toujours cette expression qui revient dans chaque article. Elle résume vraiment pour moi le repère pour la conduite que l'on doit avoir dans la vie quotidienne.
Comment dire, comment expliquer ça ? Je t'ai dit, "ta manière de gérer le problème ne marche pas".  "Ça marche" quand il n'y a pas de trace. Si tu ne te sens pas bien pendant le règlement du problème, si tu n'es pas à l'aise après, c'est là que je dis ça ne marche pas. C'est dans une parfaite tranquillité que tu dois faire face à l'adversité. La parole dite ne dois pas avoir d'écho, elle ne doit pas non plus résonner. La parole qui blesse a un écho et résonne. Elle est comme une bouteille de poison que tu ouvres et qui imprègne la pièce où tu te trouves aussi. Ne pas laisser de trace ce n'est pas quand rien ne change, ce n'est pas quand rien n'est réglé, car là ça ne marche pas non plus. Qu'est-ce que c'est alors de ne pas laisser de trace tout en réglant le problème ?
Il faut revenir sur la rencontre, car les problèmes viennent souvent après les rencontres. Un nouveau collègue de travail entre en scène et la donne est changé, il faut faire avec. On ne va pas se plier à la volonté, aux manières de l'autre, de même l'autre ne va pas entrer dans le moule que l'on aura réussi à lui imposer ou qui est déjà là.  Il faut accepter que la rencontre implique que rien n'est plus comme avant. Cela n'est pas une idée qui se discute, c'est exactement comme quand on met du sel dans de l'eau, l'eau est salée, c'est tout. À ce moment là, si on pense "l'eau n'est pas salé", ça ne marche pas. Et il faut être persuadé que ces nouveaux ailleurs sont toujours mieux que les avants qui ne bougeraient pas malgré la nouvelle donne.
Ne pas s'accrocher à des idées que l'on croit être sienne. Changer ses habitudes. Accepter le changement. Se remettre en cause. Bien comprendre que l'on n'est qu'un moment de quelque chose en perpétuel changement, et pas une chose fixe comme le nom que l'on porte ou les idées que l'on a de soi.  
Pour en arriver là, il n'y a qu'une chose à faire, s'asseoir en zazen et jours après jour découvrir la chose la plus sublime et la plus décapante qui soit, découvrir que l'on n'est qu'un moment de quelque chose en perpétuel changement.